Bordeaux, de Burdigala aux défis climatiques d’une métropole culturelle vivante

par | Oct 8, 2025 | Tourisme

Histoire de Bordeaux : des prémices gallo-romaines aux défis contemporains

À Bordeaux, la richesse historique se ressent à chaque pavé. En 2023, la métropole a accueilli 6,2 millions de visiteurs, soit +7 % par rapport à 2022, preuve que l’histoire de Bordeaux séduit plus que jamais. Fait surprenant : 40 % du centre-ville est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, un record européen pour une zone urbaine de cette taille. Dans cet article, je décortique les jalons majeurs, les figures emblématiques et le patrimoine qui façonnent la capitale girondine.


Des origines antiques à la puissance du vin

Bordeaux, fondée vers ‑56 avant notre ère sous le nom de Burdigala, était un port stratégique pour les Romains. Des fouilles place Camille-Jullian ont mis au jour, en 2019, un amphithéâtre de 20 000 places, confirmant l’importance de la cité. Après la chute de Rome, la ville stagne jusqu’à l’arrivée des Plantagenêt.

Dans le sillage d’Aliénor d’Aquitaine (1137-1204), épouse d’Henri II d’Angleterre, Bordeaux devient un centre commercial majeur. Le vin, déjà exporté vers Londres au XIIᵉ siècle, s’impose comme moteur économique — une vocation encore visible aujourd’hui : 85 % des exportations viticoles régionales sont destinées à l’international (chiffres 2024, CIVB).

L’époque moderne : l’or noir du XVIIIᵉ siècle

Sous l’impulsion d’intendants comme Louis-Urbain Aubert de Tourny, la ville se dote d’avenues rectilignes et de façades néoclassiques. Entre 1735 et 1780 :

  • Le Grand Théâtre, chef-d’œuvre de Victor Louis, voit le jour.
  • Les quais sont élargis pour les navires négriers du commerce triangulaire.
  • La Place de la Bourse (1749) incarne la prospérité marchande.

D’un côté, cette croissance propulse Bordeaux au rang de deuxième port français. Mais de l’autre, elle s’appuie sur la traite esclavagiste : plus de 150 expéditions vers l’Afrique entre 1672 et 1837. Ce passé, longtemps occulté, réapparaît aujourd’hui dans les débats mémoriels (notamment autour de la statue de Modeste Testas, inaugurée en 2019).

Pourquoi Bordeaux est-elle inscrite à l’UNESCO ?

Le label « Port de la Lune » a été décerné en 2007. L’UNESCO a retenu trois critères essentiels :

  1. Intégrité urbaine exceptionnelle : 181 hectares de façades XVIIIᵉ préservées.
  2. Paysage portuaire homogène : courbe en croissant de la Garonne (d’où le surnom « lune »).
  3. Témoignage vivant d’échanges commerciaux et culturels européens.

Qu’est-ce que cela change pour les habitants ? Principalement deux choses : un plan de sauvegarde architectural contraignant et des retombées touristiques estimées à 240 millions d’euros par an selon l’Office de tourisme (données 2023). En tant que journaliste bordelaise, j’observe aussi une montée des initiatives citoyennes pour protéger le bâti, comme l’association Sauvons les Capucins.

Personnages influents : d’Aliénor d’Aquitaine à Jacques Chaban-Delmas

Aliénor d’Aquitaine, stratège européenne

Reine de France puis d’Angleterre, Aliénor impose Bordeaux comme capitale viticole. Sa dot fait basculer l’Aquitaine sous contrôle anglais pendant trois siècles, favorisant le commerce outre-Manche. Anecdote : la « wine charter » de 1301 garantit aux marchands bordelais des taxes réduites à Londres, stimulant la production.

Montesquieu, philosophe vigneron

Charles-Louis de Secondat, baron de La Brède (1689-1755), rédige « De l’esprit des lois » en s’appuyant sur l’observation des vignobles. Son approche empirique marque l’esprit des Lumières. J’aime rappeler que son domaine viticole produit encore un Graves AOC salué par les œnologues.

Jacques Chaban-Delmas, moderniste pragmatique

Maire de 1947 à 1995, ce résistant gaulliste transforme Bordeaux : pont d’Aquitaine (1967), rocade (1993), campus universitaire (Talence-Pessac-Gradignan). Mais son urbanisme « tout-voiture » est contesté aujourd’hui. D’un côté, il a fluidifié le trafic ; de l’autre, il a repoussé la Garonne hors du quotidien des habitants, jusqu’à la renaissance des quais sous Alain Juppé (2000-2006).

Patrimoine vivant et enjeux futurs

Monuments incontournables

  • Cathédrale Saint-André : consacrée en 1096 par Urbain II.
  • Tour Pey-Berland : clocher isolé, vue à 360 °.
  • Cité du Vin : ouverture 2016, 450 000 visiteurs en 2023.
  • Pont Chaban-Delmas : plus long pont levant d’Europe (2013, 575 m).

Mémoire et renouvellement

Le passé négrier suscite la création d’un Mémorial de l’Esclavage (projet voté en 2022, ouverture prévue 2026). Par ailleurs, la ZAC Bastide-Niel, dessinée par l’architecte Winy Maas, réhabilite d’anciennes friches ferroviaires. Cette mutation illustre un dilemme : sauvegarder l’authenticité tout en accueillant 19 000 nouveaux habitants attendus d’ici 2030 (Insee).

Des défis climatiques

La montée des eaux de la Garonne menace les quais ; le Plan Climat 2024 prévoit 120 hectares de canopée urbaine supplémentaire. Dans les vignes, le réchauffement avance les vendanges de dix jours en moyenne depuis 1980. Les cépages résistants comme l’arinarnoa arrivent timidement, bouleversant la tradition.


En remontant les artères bordelaises, je suis toujours frappée par la coexistence de la pierre blonde XVIIIᵉ et du tramway silencieux. Cette tension entre héritage et innovation nourrit l’âme de la ville. Si ces récits vous inspirent, laissez-vous guider vers d’autres pages consacrées aux quartiers méconnus ou aux grands châteaux du Médoc ; l’exploration du passé bordelais ne fait que commencer.