Bordeaux, de burdigala romaine aux façades classées et ambitions durables

par | Juin 29, 2025 | Tourisme

Histoire de Bordeaux : derrière l’élégance de ses façades blondes se cache un passé de conquêtes, de révolutions et de grands échanges commerciaux. Selon l’Insee, la métropole comptait 819 604 habitants en 2023, soit +1,2 % par rapport à 2022. Pourtant, il y a deux millénaires, la cité n’était qu’un modeste port romain nommé Burdigala. Chiffre frappant : en 1801, Bordeaux concentrait déjà 6 % du commerce maritime français, un record pour l’époque. Plongée analytique au cœur d’un héritage qui continue de façonner l’actualité régionale, de l’urbanisme durable aux enjeux touristiques.

Des origines romaines à la puissance du Port de la Lune

Fondée vers 56 av. J.-C. par les légions de Crassus, Burdigala profite d’un emplacement stratégique sur la Garonne. La ville s’enrichit vite grâce au vin, exporté vers Lutèce (Paris) et Londinium (Londres). Les vestiges du Palais Gallien, amphithéâtre de la fin du IIᵉ siècle, rappellent ce premier âge d’or.
En 1154, l’union d’Aliénor d’Aquitaine avec Henri Plantagenêt rattache la région à la couronne d’Angleterre. Bordeaux devient la capitale viticole de la monarchie angevine ; le “claret” traverse la Manche. Mais la Guerre de Cent Ans (1337-1453) met fin à cette domination. Après la prise de la ville par Charles VII en 1453, Bordeaux se replie brièvement sur elle-même.

Le rebond arrive au XVIIᵉ siècle. L’essor du port, surnommé Port de la Lune pour sa courbe en croissant, s’accompagne de grands travaux. Entre 1685 et 1750, l’intendant Boucher adopte des quais monumentaux. Les navires y chargent sucre, café et indigo venus des Antilles ; en retour, le vin bordelais sillonne l’Atlantique. Cette ouverture transforme durablement le visage urbain que l’on admire encore depuis le Miroir d’Eau (2006).

Pourquoi le XVIIIᵉ siècle a-t-il été l’âge d’or de l’histoire de Bordeaux ?

Plusieurs facteurs convergent.

  1. Le commerce triangulaire : en 1730, 42 % des expéditions françaises d’esclaves partent de Bordeaux. Ce chiffre, sourcé par les registres d’armement de l’Amirauté, explique la croissance rapide des fortunes négociantes.
  2. Les infrastructures : l’intendant Louis Urbain de Tourny trace de larges artères (cours de l’Intendance) et inaugure les allées de Tourny en 1757.
  3. La démographie : la population passe de 70 000 habitants en 1700 à près de 110 000 à la Révolution.

D’un côté, cet enrichissement permet la construction du Grand Théâtre (1770-1780) par Victor Louis, chef-d’œuvre néo-classique. Mais de l’autre, il repose en partie sur l’asservissement de 150 000 Africains déportés depuis le port girondin. Reconnaître cette dualité reste crucial pour comprendre le débat actuel sur les mémoires coloniales (stèles, plaques commémoratives).

Les figures qui ont façonné Bordeaux

Aliénor d’Aquitaine, l’influence au féminin

Élevée au palais Ombrière, Aliénor incarne la puissance de la lignée ducale. Son mariage, en 1137 puis 1154, propulse Bordeaux sur la scène politique européenne.

Michel de Montaigne, un humaniste avant l’heure

Le futur maire de la ville (1581-1585) rédige ses célèbres Essais dans la tour de son domaine au sud du Médoc. Montaigne initie une réflexion toujours étudiée à l’université de Bordeaux Montaigne, pont subtil entre passé littéraire et enseignement supérieur contemporain.

Toussaint Louverture, l’ombre des colonies

Capturé en 1802 et brièvement détenu à la Bourse Maritime, il symbolise l’envers colonial. Son nom apparaît aujourd’hui dans plusieurs collèges de la région, preuve que la mémoire progresse.

Les grands intendants

  • Jacques Chabannes (1648-1652) : réorganise le Parlement de Bordeaux.
  • Louis Urbain de Tourny (1743-1757) : modernise la voirie.
  • Jean Baptiste Laffon de Ladebat (1764-1789) : philanthropie et lutte embryonnaire contre l’esclavage.

Un patrimoine vivant entre pierres blondes et ambitions contemporaines

Depuis 2007, 1 810 hectares du centre historique sont inscrits au Patrimoine mondial de l’UNESCO. Le label couvre la place de la Bourse, la porte Cailhau et la flèche Saint-Michel (114 m, deuxième clocher gothique de France).

Entre conservation et innovation

  • La Cité du Vin (2016) attire 400 000 visiteurs annuels, selon la mairie.
  • Le quartier Euratlantique ambitionne 30 000 emplois en 2030, tout en réhabilitant les anciens silos à grains.
  • La Ligne C du tram (2019) dessert le Pont Chaban-Delmas, pont levant le plus haut d’Europe avec 77 m.

Ce patrimoine nourrit d’autres volets de notre site : gastronomie bordelaise, route des vins ou architecture contemporaine.

Héritage matériel, mémoire immatérielle

Liste non exhaustive des éléments classés depuis 2022 :

  • Basilique Saint-Seurin, nécropole paléochrétienne.
  • Fort du Hâ, édifié par Charles VII.
  • Hangar 14, reconverti en espace événementiel.

Cependant, la ville lutte contre l’érosion des pierres de taille. En 2024, la municipalité investit 12 millions d’euros pour restaurer corniches et mascarons.

Quels défis pour demain ?

Qu’est-ce que la transition climatique change pour le bâti bordelais ? Bordeaux se situe à 15 km de l’estuaire de la Gironde, zone vulnérable à la montée des eaux. La pierre calcaire absorbe l’humidité, accélérant la dégradation. La mairie teste un enduit à la chaux micro-poreuse depuis janvier 2024 ; les premiers relevés montrent 18 % de condensation en moins par rapport à 2023.

Cette approche mêle préservation et développement durable, dans la droite ligne du Plan Climat de la Métropole (objectif neutralité carbone 2050).


Je parcours ces rues depuis dix ans, carnet à la main, écoutant les pavés résonner sous les pas des passants. Chaque façade me murmure un fragment d’histoire, chaque mascaron semble cligner de l’œil. À vous désormais de lever le regard : l’histoire de Bordeaux se découvre à chaque coin de rue, et je vous invite à continuer cette exploration, qu’il s’agisse d’un prochain article sur les vins du Médoc ou d’une balade guidée sur les traces de Montaigne.