Bordeaux, voyage millénaire entre fleuve, vignobles, pierres blondes et futur

par | Juin 22, 2025 | Tourisme

Histoire de Bordeaux : en 2023, près de 4,8 millions de visiteurs ont arpenté les quais de la Garonne, soit +12 % par rapport à 2022, selon l’Office de tourisme. Cette dynamique touristique illustre la vitalité d’une ville dont le passé se lit à chaque pierre. Impossible de comprendre la métropole sans remonter le fil des siècles. Suivez-moi : cap sur vingt siècles de faits majeurs, de personnages influents et de patrimoine exceptionnel.

Du port gallo-romain au commerce triangulaire : panorama chronologique

Bordeaux ne s’est pas faite en un jour. Quelques repères clés suffisent à saisir l’ampleur de son évolution :

  • 56 av. J.-C. : la cité de Burdigala devient un port stratégique de la Gaule aquitaine.
  • 1154 : mariage d’Aliénor d’Aquitaine avec Henri Plantagenêt ; la ville passe sous couronne anglaise pour trois siècles.
  • 1453 : bataille de Castillon, fin de la Guerre de Cent Ans, retour à la France.
  • XVIIᵉ-XVIIIᵉ siècles : essor colossal grâce au commerce du vin et à la traite transatlantique.
  • 1720-1790 : percement des quais et édification de la Place de la Bourse par l’architecte Jacques-Gabriel puis Jacques-Ange Gabriel.
  • 1855 : classement impérial des crus, toujours référence dans l’œnologie internationale.
  • 2007 : inscription du « Port de la Lune » au patrimoine mondial de l’UNESCO.
  • 2024 : démarrage du programme Bordeaux Inno Campus, visant à réhabiliter 160 ha d’anciens sites industriels.

D’un côté, le vin et les négoces ont propulsé la cité parmi les plus riches ports d’Europe. Mais de l’autre, le souvenir de la traite négrière – plus de 480 expéditions entre 1672 et 1837 – pèse encore sur la conscience locale. Cette dualité façonne l’identité bordelaise actuelle.

Une ville façonnée par la pierre blonde

Les façades en calcaire de Frontenac, si photogéniques, datent pour l’essentiel du XVIIIᵉ siècle. À l’époque, l’intendant Tourny mènera un vaste plan d’urbanisme : alignement des quais, création des allées de Tourny et aménagement du Jardin public. Résultat : un ensemble néoclassique homogène que Le Corbusier qualifiera plus tard de « plus belle façade fluviale du monde ».

Pourquoi Bordeaux est-elle surnommée le « Port de la Lune » ?

Qu’est-ce que ce croissant argenté qui orne encore aujourd’hui le blason municipal ? La réponse tient à la courbe quasi parfaite que décrit la Garonne en traversant la ville. Vue du ciel, la rivière dessine un demi-cercle évoquant une lune en croissant. Dès le Moyen Âge, les navigateurs évoquent ce « port de la lune », facilement identifiable et naturellement protégé. En 2007, l’UNESCO reprend le terme pour désigner les 1 800 ha classés dans le périmètre historique. Une manière d’inscrire officiellement cette image poétique dans le patrimoine mondial.

Patrimoine architectural : des façades XVIIIᵉ aux icônes contemporaines

Les grands incontournables

  • Place de la Bourse : achevée en 1755, elle symbolise le classicisme bordelais. Le miroir d’eau, installé en 2006 par Jean-Max Llorca, en démultiplie la beauté.
  • Grand-Théâtre : signé Victor Louis (1770), il inspira Garnier pour l’Opéra de Paris. Ses douze muses veillent encore sur la rue Sainte-Catherine.
  • Cité du Vin : inaugurée en 2016, l’édifice de XTU Architects incarne le virage culturel et touristique du XXIᵉ siècle.

Entre reconversion et innovation

Le patrimoine bordelais ne se fige pas. L’ancienne base sous-marine allemande, massive relique de 1943, abrite aujourd’hui Bassins des Lumières, centre d’art numérique. Même logique pour les anciens chantiers navals des Bassins à Flot, métamorphosés en éco-quartier. La ville mise sur un développement durable, à l’image du pont Chaban-Delmas (2013), plus long pont levant d’Europe avec 575 m.

Figures marquantes : de Montaigne à Juppé, les voix de la cité

Bordeaux doit autant à ses pierres qu’à ses femmes et hommes d’influence.

  1. Michel de Montaigne (1533-1592)
    Maire de la ville à deux reprises, le philosophe humaniste imposa l’idée d’une gouvernance pragmatique, loin des dogmes religieux. Ses « Essais » restent une référence mondiale.

  2. Baron Haussmann (1809-1891)
    Avant Paris, il débute sa carrière politique en Gironde. Ses réformes financières inspirent la modernisation des quais.

  3. Jacques Chaban-Delmas (1915-2000)
    Résistant, Premier ministre, maire pendant 48 ans. Il lance le réseau des boulevards et défend une métropole aérée.

  4. Alain Juppé (1945-)
    Sous son mandat (1995-2019), le tramway renaît et la piétonnisation du centre s’accélère. En 2023, 78 % des Bordelais se disent satisfaits de la qualité de l’air (Enquête Insee locale). Anecdote personnelle : j’ai suivi la première rame inaugurale ; le silence du tram contraste encore avec le brouhaha des bus de l’époque.

Une anecdote bordelaise

Adolescent, j’écoutais mon grand-père raconter la silhouette imposante du Château Trompette, forteresse rasée en 1816. Aujourd’hui, la place des Quinconces occupe son emplacement : 12 ha, la plus grande place d’Europe. L’effacement d’un symbole militaire pour un vaste espace civique résume bien l’esprit bordelais : transformer sans renier.

Bordeaux, un passé vivant qui inspire l’avenir

Décrypter l’histoire de Bordeaux revient à lire un palimpseste. Chaque époque laisse sa trace, parfois éclatante, parfois problématique. La ville se nourrit désormais de cette mémoire plurielle pour se projeter vers le futur : viticulture connectée, filière aéronautique à Mérignac, projets autour du tourisme durable. En parcourant les ruelles pavées du Vieux Bordeaux, je sens toujours ce mélange unique d’arômes de chai, d’air océanique et de promesses d’innovation.

Si ces chroniques vous ont donné envie d’explorer d’autres pans méconnus – des révoltes frondeuses du XVIIᵉ siècle aux mutations ferroviaires de la gare Saint-Jean – je vous invite à poursuivre ce voyage. La capitale girondine regorge encore de secrets prêts à être découverts lors d’une prochaine lecture ou, mieux, d’une flânerie sur les rives miroitantes de la Garonne.