Quartiers de Bordeaux : plus de 261 000 habitants recensés en 2023, +8 % en dix ans selon l’Insee. Cette croissance fulgurante bouscule les repères urbains. En moins d’une génération, 28 % des logements du centre ancien ont été rénovés, transformant l’image d’une ville longtemps perçue comme assoupie. Aujourd’hui, chaque quartier raconte une facette précise d’un territoire qui conjugue patrimoine classé, créativité entrepreneuriale et transition écologique. Suivez le guide.
Cap vers la rive gauche : patrimoine et innovation
Les Bordelais aiment dire que « tout a commencé ici ». C’est dans le triangle d’or – formé par les cours Clemenceau, de l’Intendance et Georges-Clémenceau – que s’affiche le cœur battant depuis le XVIIIᵉ siècle. Les façades blondes en pierre de taille, alignées comme des aristocrates, rappellent la prospérité coloniale du port.
Chartrons, de la barrique au start-up studio
• 1720 : les négociants britanniques implantent leurs chais rue Notre-Dame.
• 1950 : le déclin du négoce vide les hangars.
• 2010-2024 : réhabilitation à marche forcée, avec un prix du m² passé de 2 300 € à 6 100 € (chiffres Chambre des Notaires, 2024).
Aujourd’hui, les lofts vitrés côtoient l’ancienne bourse aux vins devenue CAPC Musée d’art contemporain. D’un côté, l’odeur du bois neuf (bars à tapas, ateliers d’artisans) ; de l’autre, la rémanence du tanin. Paradoxal mais terriblement vivant.
Saint-Pierre et Saint-Paul, la mémoire médiévale
Sous les pavés, l’histoire : rues Tortue, des Argentiers, ou du Cancera, témoigne de la ville gasconne du XIVᵉ siècle. L’arrivée du tramway en 2004 a piétonnisé 80 % du secteur. Résultat : une fréquentation touristique de 11 millions de passages annuels en 2023 (Office de tourisme).
En tant que reporter, j’aime capter la lumière rose du couchant sur la Place de la Bourse. À chaque photo, une répétition se joue : statues néoclassiques au premier plan, silhouettes de scooters électriques en arrière-plan. Bordeaux avance, mais sans masquer ses racines.
Pourquoi la rive droite attire-t-elle de plus en plus d’habitants ?
Longtemps, les Bordelais traversaient la Garonne à reculons. La rive droite était perçue comme industrielle, voire périphérique. Le retournement est spectaculaire.
La Bastide, laboratoire urbain
• 2003 : ouverture du pont Jacques-Chaban-Delmas, plus haut pont levant d’Europe.
• 2014 : inauguration du Jardin botanique, 4 ha dédiés à la flore aquitaine.
• 2024 : 4 500 nouveaux habitants, +32 % depuis 2015.
Les anciens ateliers ferroviaires sont aujourd’hui occupés par l’écosystème Darwin, 35 000 m² d’espaces de coworking, microbrasseries et skate-park couvert. Le lieu attire 1 million de visiteurs annuels, preuve que l’économie à impact séduit.
Que prévoit Bordeaux Métropole pour 2030 ?
La collectivité vise 10 000 logements supplémentaires, dont 35 % sociaux, et la création d’une passerelle cyclable entre Floirac et le quai des Queyries. Objectif : désaturer les rives historiques et préparer l’arrivée de la LGV Bordeaux-Toulouse (mise en service envisagée 2032).
D’un côté, l’opportunité de densifier sans dénaturer. De l’autre, la crainte d’une flambée des loyers. Le débat reste ouvert, comme en témoignent les échanges lors du dernier conseil métropolitain présidé par Pierre Hurmic.
Du tram aux pistes cyclables : comment la mobilité redessine la ville
La mobilité n’est plus un chapitre annexe : elle reconfigure la carte mentale des quartiers de Bordeaux.
Le réseau TBM en chiffres
• 80 km de lignes de tramway, 132 rames (TBM, 2024).
• 365 km de pistes cyclables, +18 % en un an.
• 45 % des trajets domicile-travail de moins de 5 km se font à vélo ou en trottinette (Enquête déplacements, 2023).
Les stations « Cours du Médoc » ou « Pey-Berland » sont devenues des hubs, reliant hypercentre, campus de Talence-Pessac et zones d’emploi de Mérignac Aéroport. En reportage, j’ai observé le ballet matinal : collégiens casqués, cadres en chaussures de ville, livreurs à vélo-cargo. Le bitume se partage, parfois dans la tension.
Pour désengorger les quais, la mairie teste depuis juin 2024 un « bus-bateau » électrique reliant Bègles à Bacalan en 17 minutes. Un exemple de diversification modale inspiré de Copenhague.
Vivre Bordeaux au quotidien : mon regard de journaliste de terrain
Une ville s’ausculte au ras du sol. Voici, en vrac, quelques réalités souvent tues :
- À Saint-Michel, 58 nationalités cohabitent dans un périmètre d’un kilomètre. Les épices de la rue des Faures rendent l’air plus piquant qu’ailleurs.
- Les fresques de street-art du quai de Brazza se renouvellent tous les six mois, financées à 40 % par des mécènes viticoles (un clin d’œil au vignoble).
- Place Nansouty, le marché du dimanche écoule 3 tonnes de produits bio chaque semaine, record départemental.
J’y vois un fil rouge : l’envie d’allier qualité de vie et ancrage local. Bordeaux n’est pas seulement un décor classé UNESCO ; c’est un laboratoire sociétal. Les chantiers de la ZAC Saint-Jean Belcier, la scène numérique des Bassins à flot ou encore les initiatives d’agriculture urbaine dans le quartier Euratlantique racontent déjà la prochaine décennie.
D’un côté, la pression foncière inquiète. De l’autre, les projets d’économie circulaire rassurent. Comme souvent, la vérité flotte entre deux eaux, celles-là mêmes qui font miroiter la Garonne au soleil de juillet.
Au fil de mes enquêtes, les quartiers de Bordeaux révèlent une mosaïque passionnante, nourrie d’histoire portuaire, de révolutions urbanistiques et de défis écologiques. Que vous soyez passionné de vin, curieux d’immobilier ou adepte de mobilités douces, chaque ruelle, chaque hangar réinventé recèle un indice sur l’avenir de la ville. À vous, désormais, de pousser la porte de votre quartier favori et de partager vos propres découvertes ; je serai ravie de les relayer lors d’une prochaine exploration.

